0301 Une Histoire Peut En Cacher DAutres.
Précédemment, dans Jérém & Nico
Après le clash chez moi en août 2001, je pensais avoir perdu Jérém à tout jamais. Puis, lorsque son accident était arrivé quelques jours plus tard, javais eu tellement peur. Il s'était cogné la tête et il était resté plusieurs jours dans le coma. Sil ne sen était pas sorti, ça maurait détruit.
Je men étais voulu de ne pas avoir su trouver les mots et les gestes pour le retenir, pour le mettre en confiance, pour lui montrer mon amour sans l. Et javais fini par me dire que je naurais jamais dû lui proposer de réviser pour le bac, que jaurais du le laisser tranquille, le laisser vivre pénard, sans foutre le bordel dans son existence dhétéro bien dans ses baskets.
Et pourtant, dès notre première révision, cet « hétéro bien dans ses baskets » mavait montré quil kiffait baiser avec moi. Et pas quun peu. Et même, parfois, bien quil rejetait le plus souvent tout geste de tendresse et daffection venant de ma part et quil refusait dassumer ce quil y avait entre nous, il mavait aussi montré quil était bien avec moi, et quil ne pouvait pas se passer de ma présence dans sa vie.
Du moins jusquau jour du fameux clash, où il avait tout fichu en lair.
Après sa sortie dhôpital, alors que je commençais à me faire à lidée de ne plus jamais le revoir, il mavait rappelé. En attendant de partir à Paris pour commencer sa carrière de rugbyman professionnel, il était allé prendre lair à Campan, dans les Pyrénées, dans le village et dans la maison de ses grands-parents. Et il mavait invité à le rejoindre.
Pris au dépourvu, javais hésité. Depuis notre clash, javais entamé le deuil de cet amour, jessayais den « guérir ». Son coup de fil était venu rouvrir une blessure encore très douloureuse. Je pensais que le bonheur avec Jérém était impossible. Il mavait fait trop mal. Javais peur de retomber dans les mêmes travers que pendant nos premières révisions.
Oui, javais eu peur que le fait de revoir Jérém puisse rouvrir cette plaie et rendre ma « guérison » encore plus longue et difficile.
Mais javais fini par accepter. Le beau brun me manquait tellement ! Aussi, javais besoin davoir des explications de sa part. De savoir pourquoi il mavait jeté si méchamment après la semaine pendant laquelle chaque jour nous avions fait lamour chez moi. Javais besoin de savoir ce que je représentais vraiment pour lui.
Je navais pas été déçu. Sous la halle de Campan, après quelques maladresses, Jérém avait fini par me montrer quil tenait à moi. Et par la plus belle des façons : en membrassant dans un espace ouvert, alors quon aurait pu nous voir. Dailleurs, on nous avait vus. Mais le bobrun sen fichait, son baiser était un baiser damour, pour me retenir, pour me faire sentir à quel point je comptais pour lui.
A Campan javais trouvé un autre Jérém, un Jérém sans « artifices », plus « authentique » que celui que javais connu à Toulouse, et on ne peut plus craquant. Un Jérém qui faisait du cheval, qui aimait le contact avec la nature. Un Jérém débrouillard, souriant, détendu, en connexion avec son âme d. Un Jérém qui acceptait de me faire partager sa vie, son vécu, ses peurs, ses sentiments, ses amis cavaliers, cette bande de joyeux lurons, comme une famille pour lui.
Avec ces derniers, nous avions fait des balades, des gueuletons. Nous avions eu des belles conversations portées par Jean-Paul, nous avions chanté autour de la guitare de Daniel. Nous avions été chouchoutés par Charlène, comme une maman pour Jérém, et par Martine, comme une cousine très rigolote.
Puis, un soir, Jérém mavait embrassé devant tout le monde. Si je mattendais à ça ! Cétait un moment de bonheur fou.
A Campan, dans la petite maison dans la montagne, nous avions fait lamour comme jamais auparavant. Cétait un partage intense, le désir réciproque de rendre lautre heureux. Mais nous avions aussi discuté, nous avions partagé plein de moments inoubliables. Je navais jamais été si amoureux de mon Jérém. Ce bonheur pansait toute la souffrance et la peur que javais vécues après notre clash. Je reprenais espoir que notre amour soit possible, et que nous arriverions à surmonter la distance quand il serait à Paris. Dailleurs, jétais si heureux, et Paris me semblait si loin, presque un mirage rendu flou par le bonheur présent.
Mais ce qui devait arriver avait fini par arriver. Le coup de fil du club de rugby était arrivé. Cétait le jour même des terribles attentats aux Tours Jumelles à New York.
Le rappel à la réalité a été brutal. Nos vies allaient prendre des chemins différents, Jérém à Paris pour le rugby, moi à Bordeaux pour mes études. Mon cur se déchirait à nouveau, brisé par la peur de perdre le gars que jaimais et meurtri par cette autre peur qui était dans tous les esprits après le 11 septembre.
A Campan, javais trouvé un Jérém amoureux, et tellement adorable. Javais peur que Paris le fasse disparaître à nouveau. Javais envie de croire aux promesses de Campan, que notre amour était plus fort que tout et que rien pourrait éloigner nos curs. Mais au fond de moi je recommençais à ressentir la peur de le perdre.
Au début de son aventure parisienne, la magie de Campan semblait tenir bon. Jérém était venu me voir à Bordeaux par surprise, et il mavait invité à Paris. Jétais comme sur un nuage. Tout semblait bien se passer, et même au-delà de mes espoirs. Tellement bien quaprès lexplosion dAZF javais invité Jérém dormir à la maison et que javais eu envie de faire mon coming out auprès de mon père. Mais ça sétait mal passé, très mal passé. Javais essuyé son mépris, senti son dégoût, je métais heurté à son rejet net.
Heureusement, ma vie était désormais à Bordeaux. Mes études à la fac commençaient sur les chapeaux de roues. Jaimais mes cours et je métais fait de nouveaux potes. Pour la première fois de ma vie, javais limpression de me plus être le garçon dont tout le monde se moque parce quil est « pédé », mais un gars comme les autres, qui avait droit à sa dignité et au respect. Entre le lycée et la fac, jai eu limpression de passer dun monde dados à un monde dadultes. Lécho des moqueries du lycée était toujours là, mais il sestompait peu à peu dans ma tête.
Hélas la complicité des premières semaines avec Jérém nallait pas durer. Plus le temps passait, plus je le sentais distant. Entre les entraînements intensifs, sa mise à niveau sportive plus compliquée que prévu, ses études qui lui donnaient du fil à retordre, et sa peur panique quon découvre quil aimait les garçons et que ça compromette sa carrière naissante, Jérém était vraiment sous pression.
Il avait fini par espacer nos contacts, et à ne plus souhaiter que jaille le voir à Paris, préférant faire la fête avec ses co-équipiers et recommencer à baiser avec des nanas pour faire « comme tout le monde ». Lorsque je métais pointé à Paris par surprise, il mavait proposé une relation « libre », dont les règles principales seraient que chacun ferait sa vie et quon se verrait pendant des périodes de vacances, discrètement.
Jérém mavait montré quil tenait à moi, il mavait dit que jétais quelquun de vraiment spécial pour lui, le seul qui comptait pour lui, et que ça ne changerait pas. Que ses « à-côtés » nétaient que sexuels, que cétait juste pour soulager la fougue hormonale de ses 20 ans entre deux de nos retrouvailles, pour donner une image conforme à ce quon attendait de lui, pour quon lui foute la paix. Jérém mavait dit les larmes aux yeux quil ne voulait pas me perdre. Mais il mavait dit aussi quil ne pouvait pas faire autrement, quil ne pouvait pas assumer une relation « normale ».
Javais dabord rejeté ce mode de fonctionnement, car imaginer Jérém dans les bras dune nana ou dun autre mec me rendait fou. Et si un jour il était tombé amoureux ? Loin des yeux, loin du cur.
Quant à moi, je navais vraiment pas envie daller voir dautres gars. Fantasmer sur les mecs cest une chose dont je ne peux me passer, certes. Mais passer à lacte quand on est amoureux, c'est un toute autre chose. Et si un jour jétais tombé amoureux dun autre gars ? Loin des yeux, loin du cur. Je ne voulais pas prendre le risque doublier mon Jérém, je tenais trop à lui. Depuis Campan, je savais désormais à quel point je pouvais être heureux avec lui.
Mais Jérém ne mavait pas laissé le choix. Pour ne plus mentendre lui faire des reproches et devoir répondre à mes questions, il avait voulu quon fasse une pause. Javais pensé quil sagissait dune façon de me quitter. Mon cur était à nouveau brisé.
Javais fini par rencontrer un gars, Benjamin. Un gars mignon, sympa, drôle, et plutôt bon amant. Avec Benjamin, cétait léger, il ny avait pas de prise de tête. On ne sétait rien promis, à part de passer de bons moments, de partager des repas, des films, des conversations, des rires, et des bonnes baises.
Cest pendant lune de ces baises que tout a basculé. La capote quil portait avait cassé et il ne sen était rendu compte quen sortant de moi, après avoir joui. Javais paniqué. Je lui avais demandé de faire un test, il avait refusé. Aux urgences, on mavait donné le traitement post-exposition. Et cétait parti pour trois mois dangoisse en attendant le test qui pourrait faire cesser cette angoisse ou tout faire basculer dans ma vie pour de bon.
Noël était arrivé et cétait dur de cacher ma souffrance et ma peur à mes parents, surtout à maman. Jérém me manquait horriblement.
Malgré sa pause imposée, le soir du réveillon je navais pu mempêcher de lui envoyer un message peu avant minuit pour lui souhaiter un Joyeux Noël.
Jérém avait répondu. Il fêtait le réveillon chez son père dans le Gers et il se faisait tout aussi chier que moi. Il mavait proposé de nous voir. Je navais pas su refuser.
Nous avions passé la nuit à lhôtel, à discuter, à faire lamour, à nous aimer à nouveau. Il mavait terriblement manqué et je lui avais manqué aussi. Il sest excusé du mal quil mavait fait et jai retrouvé le Jérém adorable qui me rend fou amoureux de lui.
Le lendemain, il mavait proposé de repartir à Campan jusquà la rentrée.
Campan était sous la neige. Et dans les Pyrénées, dans la petite maison, loin des peurs de Paris et des angoisses de Bordeaux, mon bonheur, notre bonheur dêtre ensemble était à nouveau parfait.
NICO
Campan, le 31 décembre 2001, 23h57
"Je te promets que le prochain réveillon on le fêtera ici à Campan, avec les cavaliers.
Jadore leffet que Campan a sur toi, Jérém !
Quel effet ?
Il fait ressortir le Jérém le plus adorable qui soit !
Campan nest quà nous !
Oui, cest notre refugeé".
Bordeaux, le mardi 31 décembre 2002, 18h56
Sous la douche, je repense à ce rendez-vous manqué avec les cavaliers. La neige nous avait bloqués à la petite maison, sans électricité, sans beaucoup de provisions. Je repense à cette omelette avec laquelle on avait fait un repas de fête. Ce soir-là, il ny avait que la cheminée, une omelette et notre amour, et ça nous suffisait pour être heureux.
Je me souviens de chacun des instants du réveillon dil y a an, de chacune de mes sensations, de toutes les nuances de bonheur que mapportait sa présence. Je me souviens de chacun de ses regards, de chacun de ses sourires, de chacun de ses mots. Et surtout de ces trois petits mots dont il mavait fait cadeau juste après avoir fait lamour à lapproche de minuit.
"Je taime"
Trois petits mots sur loreiller, trois mots, un monde entier.
Longtemps javais rêvé dentendre ces mots de sa bouche. Et ce cadeau était enfin venu, à linstant même où une année se terminait et une autre prenait le relais. Cétait le plus beau cadeau quon ne mavait jamais fait.
Leau chaude de la douche glisse sur ma peau, elle me fait du bien. Elle revigore mon corps qui, après un après-midi passé à faire lamour, demanderait à rester tranquille plutôt quà faire la fête.
Mais ce soir cest le réveillon, un autre, et je nai pas le temps de me reposer. Dans une heure, je vais être assis à table avec nos invités, et pendant une longue soirée. Car ce soir, lannée 2002 va se terminer, et une nouvelle va commencer. Et il faut fêter ça, le temps qui passe.
Jarrête leau, je me sèche, je mhabille. Jarrange mes cheveux et je quitte la salle de bain pour aller rejoindre le gars qui me fait du bien, qui égaie ma vie, et qui sait pardonner mes erreurs.
Je le retrouve dans la cuisine, il est en train de terminer le repas pour ce soir. Il est vraiment doué aux fourneaux.
Je le regarde cuisiner et je ne peux résister à lenvie de mapprocher doucement de lui, de glisser mes bras autour de sa taille, de le serrer contre moi, de lui faire plein de bisous dans le cou.
Il tourne la tête, et je croise son regard plein damour, de lamour à donner, de lamour à recevoir. Ce gars est un véritable puits à câlins.
Après avoir éteint les plaques chauffantes, il se tourne vers moi. Nous nous enlaçons, nous nous embrassons. Jadore laisser glisser mes doigts dans ses beaux cheveux châtains, jadore me noyer dans ses yeux verts, dans son regard doux et timide.
La vie est faite de surprises. Je naurais jamais pensé quon se retrouverait un jour tous les deux.
"Tu es très beau, Nico, il me lance, adorable.
Toi aussi, tu es beau, Ruben !"
La sur de Ruben, son mec et leur gosse de trois ans vont arriver dans peu de temps, mais nos corps réclament de nouveaux frissons. Le sien, surtout. Ça ressemble à lurgence du désir. Pour la troisième fois, rien que cet après-midi. Ruben a tout le temps envie de faire lamour avec moi. Je crois que je ne me suis jamais senti autant désiré de ma vie.
Jai été le premier gars pour Ruben. Avant moi, il avait embrassé une ou deux nanas, mais il était puceau. Jai été toutes ses premières fois : le premier baiser avec un garçon, les premiers câlins, la première fois où il a senti un corps masculin contre le sien, la première fois où il a fait lamour. Et la première fois où il est tombé amoureux.
Au début, il était pudique et timide, et jai pris du plaisir à le dévergonder en douceur. Très vite, il a kiffé que je mimpose, que je « dirige » au pieu, et que je le fasse sentir « à moi », que je lui montre ce dont jai envie. Et son plus grand plaisir semblait être celui de satisfaire tout ce que je lui demandais.
Pour le faire kiffer encore plus, javais appris à exiger au lieu de demander. Plus je jouais au petit macho, plus ça le rendait fou. Au début, je me trouvais vraiment peu crédible dans ce nouveau rôle qui navait jamais été le mien. Mais à force de répéter sous le regard dun « public » qui veut y croire, les gestes, les mots et les attitudes sont devenus peu à peu naturels, et javais fini par devenir celui quil attendait que je sois.
Ruben a vu en moi « un gars avec de lexpérience » et « qui sait ce quil veut ». Je me suis employé à combler ses attentes et jai appris à être ce gars. Tu parles dexpérience ! Avec une relation foirée et une poignée daventures au compteur, je suis loin dêtre une référence. Mais je lui fais de leffet et il a vu en moi ce quil avait envie de voir.
Dans une certaine mesure, Ruben me fait penser à moi, au début des « révisions » dans lappart de la rue de la Colombette. Un gars à la recherche de repères, à la recherche de la virilité quil ne trouve pas chez lui. Et bien quau début cela ait pu me paraître un brin surréaliste, cette virilité il a cru la trouver en moi.
Mais il a suffi de me laisser faire, le laisser aller chercher mon égo masculin, le déballer, et le galvaniser. Et peu à peu mon plaisir a basculé.
Je me suis laissé entraîner à jouer « le mec ». Un changement de taille, pour moi qui ai toujours préféré faire exulter la virilité de lautre plutôt quenvisager quon fasse exulter la mienne.
Et force est de constater que me sentir désiré en tant quactif, en tant que « mâle », ça ma quand même fait du bien à légo.
Oui, Ruben me fait parfois penser au Nico que jétais il y a un an et demi, lors des révisions avant le bac.
A quelques nuances près, quand-même. Si jai fini par jouer au petit macho, cest parce que jai senti quil kifferait ça. Quelque part, cest lui qui la « demandé ». Je ne lui ai rien imposé, je nai pas voulu le dominer, et surtout pas en dehors de nos jeux sexuels. Je nai pas non plus exigé des trucs fous de lui dès le premier jour, je ne lai pas brusqué. Ça sest fait tout en douceur, je lui ai montré des choses et je lui ai laissé trouver ses repères, à son rythme.
Après lamour, après le sexe, après parfois les mots crus, Ruben a toujours cherché mes bisous, mes caresses, mes bras pour sy blottir, comme pour se sentir en sécurité, enveloppé par mon corps. Et je ne lui ai jamais refusé cette tendresse.
Ruben me colle contre le mur, menlace fougueusement. Ses mains fébriles défont ma ceinture, ouvrent ma braguette, se glissent dans mon boxer, empoignent ma queue, la caressent, la branlent lentement. En un quart de seconde, je suis fou dexcitation.
"Encore, tas envie ? je le taquine, alors que je sens monter en moi une seule et unique envie, celle de jouir à nouveau.
Jai tout le temps envie de toi, beau mec !
Vas-y, suce, je sais que tu as envie de ça !"
Pas de réponse verbale à ma boutade, mais un regard embrasé de désir, son corps qui sexécute au quart de tour, ses genoux qui touchent le sol, ses mains qui font glisser mon boxer et mon pantalon le long de mes cuisses, et ses lèvres qui avalent mon gland et coulissent le long de ma queue.
Ses mains se glissent sous mon t-shirt, ses doigts excitent mes tétons. La pression, le mouvement, le doigté, tout est parfait. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour repérer mes touches sensibles, et guère plus pour en devenir un virtuose.
Je me souviens de la dernière fois où je lai sucé, deux jours après le réveillon à lomelette, juste avant de quitter la nouvelle parenthèse inattendue et enchantée de Campan, après le réveillon du nouvel an, avant de repartir dans nos vies. Il sortait de la douche et je navais pas résisté à la tentation de défaire sa serviette nouée autour de la taille, et de lui faire plaisir une dernière fois.
Je le regarde pendant quil me suce, moi débout, lui à genou, je kiffe ça et je sais quil kiffe ça. Dès quil sent mon regard sur lui, son regard vert-marron est au rendez-vous. Et je lis une envie débordante de me rendre dingue de plaisir. Je sens cette envie dans la fougue de ses va-et-vient le long de ma queue, dans la fébrilité de ses caresses autour de mes tétons. Je renonce à caresser les siens, car je sais quil nest pas sensible de ce côté-là. Je pose une main sur sa nuque, je sais quil kiffe ça, juste la présence de ma main sur sa nuque, sans même forcer. Jenvoie quelques petits coups de reins, il kiffe ça aussi.
Très vite, nous basculons dans cette dimension, nous nous retrouvons sur cette corde raide, tiraillés entre lenvie de faire durer ce plaisir partagé et une furieuse envie de précipiter le feu dartifice final.
Notre complicité était parfaite. Il avait balancé sa cigarette dans le feu et ses mains étaient venues exciter mes tétons. Elles sentaient la fumée, je me souviens très bien de ça. Ses petits coups de reins me rendaient dingue. Lexcitation de lun embrasait celle de lautre. Cétait une réaction en chaîne, une réaction explosive. Javais cherché son regard. Et dans le sien, tout comme dans le mien, il ny avait pas que de lexcitation, mais aussi une immense tendresse.
Ruben me pompe de plus en plus fougueusement, mapprochant dangereusement du point de non-retour. Jessaie de me contrôler, de faire durer. Je lutte sciemment contre son envie de conclure, de me faire jouir, daccueillir mes giclées dans sa bouche et de les avaler. Cest un petit jeu entre nous, un petit jeu tacite, et très plaisant. Plus jarrive à me retenir, plus mon orgasme va être géant. Mais le petit coquin est de plus en plus fûté et je sens que je ne vais pas y arriver longtemps
Jétais tellement fou de lui et tellement triste de devoir le quitter. Javais décidé de lui donner ce dont il languissait depuis nos retrouvailles après Noël, le bonheur de jouir en moi, du moins dans ma bouche, sans capote. Je métais dit quau fond, le risque était minime.
Javais très envie de retrouver enfin le goût fort et délicieux de son jus, mais je memployais à lamener au bord du précipice de lorgasme et à le retenir de justesse, à lui faire sentir lappel de sa jouissance et à la reporter sans cesse.
Je regarde son physique élancé, pas vraiment musclé, mais très sensuel, sa peau claire, ses beaux cheveux châtains un peu bouclés...
Je sens sur mon cou la caresse de cette chaînette qui était celle de Jérém et quil mavait offerte au moment de partir après notre premier séjour à Campan, au moment de nous séparer, au moment où nos vies empruntaient deux chemins divergents. Malgré tout ce qui sest passé, je nai jamais pu me séparer de cette chaînette.
Je revois son corps de rugbyman, de jeune mâle fringant, sa peau mate, son brushing de bogoss, ses cheveux bien bruns, coupé très court autour de la nuque, ses abdos, ses pecs, ses tatouages sexy à mort, le petit grain de beauté, lui aussi sexy à mort, dans le creux de son cou, la chaînette que je lui avais offerte pour son anniversaire, nonchalamment posée sur sa peau mate, entre ses pecs saillants
Ruben me pompe sans reprendre son souffle. Je sens une chaleur intense, brûlante, presque douloureuse monter dans mon bas ventre. Je sens que je perds pied. Et lorsque lorgasme me submerge, le bonheur de sentir mon jus partir dans sa bouche me rend dingue
Je repense au bonheur de le sentir perdre pied, de sentir son corps musclé trembler de plaisir. Je repense à ses giclées chaudes et puissantes qui explosent dans ma bouche et qui me rendaient dingue
"Vas-y, avale !", je lui lance, pour lui faire plaisir
"Vas-y, avale !", il mavait lancé, pour me faire plaisir.
Ruben vient de se relever. Il membrasse comme un fou. Il est ivre de moi, ivre du plaisir de passif, celui quil kiffe par-dessus tous, et que je viens de lui offrir. Je le sens à la fébrilité de ses gestes, au frémissement de son regard.
Il avait glissé ses mains sous mes aisselles, il mavait aidé à me relever. Il mavait serré très fort contre lui, je lavais serré très fort contre moi. Je lavais embrassé comme un fou, jétais ivre de lui.
"Tas aimé ? me demande Ruben.
Tu veux me , je lui balance, assommé par ce nouvel orgasme, comme abasourdi.
Non, je veux juste te faire plaisir".
Pour toute réponse, je pose quelques bisous dans son cou.
"Alors tas pas aimé ? il revient à la charge.
Si, si, bien sûr que si! Et toi, tas aimé ?
Moi aussi, beaucoup! Je tai bien excité, hein ?
Oui, grave !
Tu me rends dingue, Nico
"
Et là, il me serre très fort contre lui. Puis, il approche ses lèvres de mon oreille et me glisse tout bas :
"Nico
je taime
"
Javais approché mes lèvres de son oreille et je lui avais glissé :
"Je taime, Jérémie Tommasi
Je taime Ourson, je taime tellement !"
Ça faisait quelques temps que je sentais ces trois petits mots au bord de ses lèvres. Et les voilà enfin. Ce sont des mots qui peuvent apporter toute la joie du Monde quand on les attend et toute langoisse de lUnivers quand on les redoute. Hélas, avec Ruben jétais malheureusement dans ce dernier cas.
Pourquoi est-ce que je redoutais dentendre Ruben prononcer ces mots ? Jimagine, pour la simple et bonne raison quils appellent les mêmes en retour, sous peine de décevoir, de faire de la peine, de tout gâcher.
Des mots que, je le sens, je ne pourrais lui retourner quen mentant, quen le trompant.
Parce que je sais que mes sentiments pour lui ne sont pas les mêmes que les siens pour moi. Je ne sais vraiment pas pourquoi, alors que tout est réuni pour me rendre heureux.
Ruben est un garçon qui sassume, qui ne demande quà être en couple avec moi, quà safficher avec moi. Depuis quil est avec moi, il a fait son coming out auprès de ses parents, de sa sur, de ses amis. Et il ma présenté tout ce monde, il ma fait rentrer dans sa vie. Ruben ma offert tout ce que jai toujours espéré dune relation avec un gars.
Depuis que je suis avec Ruben, jai même trouvé une passion : le vélo. Ruben fait partie dune association de cyclistes basée à Mérignac qui organise des randonnées sur des circuits dans la région. Après une période de mise à niveau, jai pu laccompagner sur des boucles pas trop exigeantes.
La première fois que jai randonné avec les cyclistes de lasso, ça ma rappelé les balades à cheval à Campan. Jai retrouvé les sensations de liberté, de dépaysement, la déconnexion du quotidien. Avec en prime, la sensation de mieux maîtriser mon nouveau moyen de locomotion avec deux roues, des vitesses et des freins, plutôt quun cheval dépourvu de tout ça. La première fois que nous avons fait une grande boucle dans une zone boisée, jai pensé à Téquila et à Unico. Jai eu envie de pleurer. Jai retenu mes larmes pour que Ruben ne me pose pas de questions.
La pratique sportive ma aidé à aller de lavant. Avec le vélo, jai retrouvé le plaisir du grand air. Avec le vélo, jai aussi trouvé des nouveaux amis, et une sorte de nouvelle famille. Une famille dont les membres sont loin dêtre si hauts en couleurs que les cavaliers de Campan, mais avec qui je me sens bien.
Avec Ruben, nous avons dautres passions communes. La musique classique et les classiques de la littérature. Je lui ai fait redécouvrir Tchaïkovski, il ma fait redécouvrir Bach. Je lui ai fait découvrir Proust, il ma fait me passionner pour lIliade et lOdyssée.
Nous avons régulièrement de longues et belles conversations, et nos échanges sont très enrichissants. Ruben me pousse à être curieux, me donne envie de découvrir. Il nous arrive de parler philo. Ruben est très calé sur le sujet, et il est passionnant. Il me parle souvent de ses études. Il étudie litalien, et il létudie à fond. Il étudie la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire, mais aussi la littérature, la civilisation, lhistoire et la culture qui va avec. Il pousse la passion jusquà suivre des cours de latin, la base de litalien, comme de tant dautres langues. Il est passionné par ses études et il ma redonné envie de me passionner aux miennes après la baisse de motivation, proche de lextinction, que javais connue avant, pendant et après la rupture.
Avec Ruben, je devrais être le plus heureux des garçons. Je devrais être tout autant amoureux de lui quil lest de moi. Et pourtant, je ne sais pas vraiment pourquoi, ce nest pas le cas.
Il y a un an, peu avant minuit, Jérém mavait dit « je taime » pour la toute première fois. Soudain, un Univers nouveau sétait ouvert devant moi.
Au fond, javais toujours su que ça viendrait un jour. Et ça ne pouvait venir quà Campan, ce Campan « qui nétait quà nous », Campan magique, Campan notre refuge.
Je me souviens de notre complicité parfaite, de lembrasement de nos sens, de mon bonheur après son je taime », ces trois petits mots qui mavaient donné des ailes.
Et pourtant, javais vraiment eu du mal à réaliser ce qui venait de marriver. Ce dont jétais certain, cest que je navais jamais été aussi heureux de ma vie.
Pendant que nous faisions lamour, dans les toutes premières minutes de lannée 2002, je narrêtais pas de me dire que la nouvelle année sannonçait si douce, si belle !
Bordeaux, mercredi 1er janvier 2003, 4h54
Ruben dort paisiblement à côté de moi. Nos invités viennent de partir et mon petit cuistot est tombé comme une masse. Jécoute sa respiration apaisée et apaisante, je sens la chaleur de son corps irradier sous les draps.
Et mon esprit vagabonde au loin.
Oui, il y a un an, lannée 2002 souvrait sous les meilleurs augures. En 2002, il y a eu de la joie, du bonheur, mais aussi beaucoup de tristesse et de déception. Et tout cela mélangé pêle-mêle. Des montagnes russes émotionnelles, terminées avec un déraillement inattendu et très douloureux pour moi.
Non, lannée 2002 na pas tenu ses promesses. Et Jérém non plus. Peut-être que ça vient de moi, que cest de ma faute, que je nai pas su le mettre en confiance, le rassurer, que je nai pas su lui apporter ce dont il avait besoin.
Malgré tout, il me manque tellement. Il ne sest pas passé un jour sans que la nostalgie et la tristesse ne me prennent aux tripes. Mais jamais comme cette nuit, pendant cet « anniversaire » si spécial. Parce que je laimais ce beau brun, putain quest-ce que je laimais !
Jai été amoureux de Jérém depuis le premier jour du lycée. Au début, je parle des tout premiers instants où je lai capté dans la cour du lycée, jai été aimanté par sa beauté masculine redoutable. Il navait même pas 16 ans, et il était déjà tellement sexy !
Très vite, mon cur battait la chamade dès que je pensais à lui. Javais des papillons dans le ventre dès que je mapprêtais à le retrouver, ou dès quil sapprochait de moi. Il occupait toutes mes pensées, matin, midi, soir, et même la nuit. Jaurais voulu tout savoir de lui.
Au départ, il ny avait même rien de sexuel dans mes sentiments. Jimagine que jétais trop jeune, trop innocent ou naïf ou abruti pour penser au sexe. Jétais amoureux de son sourire, de sa voix, de sa façon dêtre, de son assurance, de limage de petit gars bien dans ses baskets et plutôt marrant quil renvoyait.
Tout ce que je désirais au monde, cétait de me blottir dans ses bras. Tout ce dont javais besoin, était davoir un pote avec qui me sentir bien. Quelquun à qui pouvoir parler, avec qui pouvoir être moi-même, sans avoir peur. Javais besoin de câlins, de tendresse, de répit. Javais besoin de me sentir accepté, aimé.
Je me souviens de notre retour du voyage en Espagne, en bus, lorsquil sétait assoupi sur mes genoux. Je men souviens comme de lun des moments les plus sensuels avec lui. Je me souviens de mon bonheur, hélas doublé deffroi, lorsque je métais réveillé et que javais réalisé que ma main sétait glissée sous son t-shirt et quelle était posée à plat sur ses abdos bien chauds. Jétais tellement bien à cet instant, et pourtant, javais tellement peur ! Cest tellement injuste de devoir avoir peur dêtre si heureux.
Ce qui mavait le plus marqué dans cet instant, cétait le fait davoir croisé brièvement son regard. Et davoir compris quil sétait rendu compte de la présence de ma main. Et que, dans lobscurité du bus, ça ne le dérangeait pas, au contraire, il avait lair de kiffer. Évidemment, lorsque le bus avait ralenti et sétait engagé dans la voie de décélération dune aire de repos, avant que les lumières ne sallument, il sétait relevé et avait cassé la magie.
Cest peut-être à ce moment-là que javais entrevu pour la première fois ce qui se cachait derrière sa carapace de petit frimeur. A savoir, un petit gars qui avait tout autant besoin de tendresse et damour que moi jen avais besoin, mais qui ne savait pas lassumer.
Et là, mes sentiments avaient franchi une étape importante. Jétais fou de lui, fou de ce cur sensible que javais entrevu lespace dun instant. Je me languissais désormais de mieux le connaître, mais je savais quil ne men laisserait pas la chance.
Plus tard, après le début de nos révisions, cétait dans sa jalousie, dans ses excès de colère, et parfois dans ses besoins daffection et de tendresse, comme lorsquil mavait demandé de rester dormir chez lui et de le prendre dans ses bras, que javais reconnu sa sensibilité. Une sensibilité quil avait peur dassumer, quil refoulait.
Au fil de nos « révisions », javais réalisé que je nétais plus simplement amoureux de ce garçon. Javais réalisé que je laimais, avec sa sensibilité, ses fêlures. Que je laimais comme un fou.
Mon erreur, ma naïveté ont été de croire que je pourrais laider à être heureux en lui offrant mon amour. Que je pourrais lui offrir tout ce dont il avait besoin. Et que je pourrais le changer.
Je naurais pas dû lui mettre la pression pour notre relation comme je lai fait.
Jaurais dû lécouter davantage, être plus attentif à sa souffrance, à ses doutes.
Jaurais dû lui montrer quil pouvait se confier à moi, le soutenir davantage, lencourager.
Jaurais dû lui montrer que jétais là pour lui.
Jaurais dû comprendre quil avait autant peur de me perdre que javais peur de le perdre. Quil luttait en permanence contre cette peur de souffrir, parce que lAmour est le seul domaine où la carapace ne suffit pas, car elle peut se briser dès que les sentiments naissent. Car dans sa tête, il ne cessait de se répéter que je pouvais sortir de sa vie à tout moment.
Jaurais dû lui montrer davantage que je laimais tel quil était, avec ses qualités et ses défauts, et non pas pour son image de beau mec bon baiseur.
Mon engouement sexuel pour son corps et sa virilité a pu lui montrer à un moment que je ne mintéressais quà ça. Mais ça na jamais été le cas. Sinon, je naurais pas enduré tout ce que javais enduré.
Javais pensé, parfois, à renoncer à lui. Jy avais pensé quand javais trop mal, ou bien quand je me disais quil serait plus heureux sans moi. Jy avais pensé, mais je ne lai pas fait. Peut-être parce que je laimais.
Mais, au fond, quelle aurait été la plus belle preuve damour ? Renoncer à lui pour le libérer dune relation compliquée, lui permettre dêtre heureux sans moi ? Ou bien être là, encore et toujours, avec mon amour et tous ses défauts, tout en essayant de trouver la force daccepter que le gars que jaime me fasse parfois souffrir ?
Où se situe la limite entre tout faire pour rendre heureuse la personne aimée et se rendre malheureux soi-même ? Jusquoù peut-on aller, jusquoù peut-on prendre sur soi par amour ?
Aimer, cest quoi et cest comment ?
Lamour ne sexplique pas. Il ne se démontre pas. Il se vit, il se ressent. Ou pas.
Avec Ruben, je crois que je ne suis pas passé du stade dêtre amoureux, dêtre heureux dans le bonheur que nous procure lautre, à celui daimer, de trouver son plus grand bonheur dans le bonheur de lautre.
Sexuellement, avec Ruben, une partie de moi nest pas comblée. Mais dans le fait que mes sentiments pour lui ne soient pas les mêmes que les siens pour moi, la raison principale est ailleurs.
Ce qui me manque avec Ruben, cest cette étincelle qui faisait frémir tout mon corps et toute mon âme, et que je nai ressentie que pour Jérém.
Lorsque Ruben était arrivé comme une bouée de sauvetage alors que je me noyais, jai cru pendant un temps quavec sa douceur, sa tendresse, son amour, il mapportait à nouveau cette étincelle. Jai cru que Ruben était mon prince charmant.
Cen est un, un adorable prince charmant. Mais si son baiser ma fait me relever, il ne ma pas réveillé de mon sommeil. Sa présence apaise mes blessures mais ne les guérit pas. Peut-être que je lui en demande trop, cest même sûr. Au fond, ma rupture est récente. Et elle a été très difficile. Peut-être quelle a desséché mon cur. Peut-être que quelque chose me retient toujours dans le passé.
Alors, les sentiments de Ruben me font peur, tout comme son impatience dinstaller notre relation. Je trouve que ça va trop vite pour moi. En général, quand on a limpression que ça va trop vite avec quelquun, cest que nous ne sommes pas prêts. Parfois, nous ne le sommes pas encore. Mais le plus souvent, cest que nous ne le serons jamais.
JEREM
Paris, le 31 décembre 2002, 23h42.
Cétait il y a un an. Déjà un an, putain ! Jérém se souvient du silence et de la pénombre de la petite maison sans électricité, de la chaleur, de la flamme, du bruit, de lodeur du feu dans la cheminée. Il se souvient de son corps contre le sien, de ses câlins, de ses baisers. Il se souvient de son regard amoureux.
Il se souvient quil était tellement bien avec lui. Il se souvient quil était heureux, il se souvient comment il était heureux, Nico, il se souvient combien il était heureux de le voir heureux. Il se souvient quils étaient tellement bien ensemble.
Il se souvient lui avoir enfin dit ces mots qui lui brûlaient les lèvres depuis quils étaient montés à Campan, ces mots que Nico lui avait dits à plusieurs reprises et quil navait jamais su lui décrocher, malgré lenvie de le faire.
"Je taime, ourson!"
Il se souvient du bonheur de Nico quand il lui avait dit ce « je taime ». Il se souvient de comment il sétait senti bien après avoir lâché ces mots, si simples et si lourds à la fois.
Il se souvient quils avaient fait lamour et que cétait incroyable. Il se souvient que tout était parfait à cet instant.
Il se souvient lui avoir fait la promesse que le prochain réveillon, celui de ce soir, ils le fêteraient avec les cavaliers. Il se souvient y avoir cru très fort, comme un vu, comme pour éloigner la peur que ce ne soit pas le cas, que la vie en décide autrement, que le bonheur qui était le leur à cet instant leur file entre les doigts. Il se souvient avoir eu peur que la vie leur fasse à nouveau emprunter des chemins qui séloignent. Il avait eu peur de faire encore des bêtises. Il avait eu peur de le faire souffrir encore, et de tout gâcher une fois de plus.
Jérém se connait. Sa peur était justifiée. Il a encore fait des bêtises. Il a encore fait de la peine à Nico. Et il tout gâché une fois de plus.
Dans quelques minutes, il sera minuit, et ça fera pile un an quils étaient si heureux. Ça sonne si loin, tout ça. Cette année 2002 se termine sans Nico. Car Nico, il la perdu. Cette fois-ci, il ny aura pas de rattrapage, il ny aura pas de retrouvailles à Campan.
Le bruit de la fête du Nouvel An au « Pousse au Crime » résonne jusque dans la rue où Jérém est sorti fumer une cigarette, mais surtout pour se retrouver seul, pour reprendre son souffle, pour essayer déchapper à cette tristesse qui lui enserre le cur et qui létouffe. Mais il ny arrive pas. Cest tellement dur de devoir faire la fête quand on a le cur en miettes.
Il regarde le briquet avec lequel il vient dallumer sa clope, le briquet que Nico lui avait offert à Campan, juste avant de partir pour Paris. Plus minuit approche, plus son cur est lourd.
"Eh, Jérém, cest presque lheure !"
Jérém a entendu la porte du bar souvrir et la puissance des décibel sde la fête foncer sur lui. Mais il a été étonné dentendre la voix dUlysse. Il naurait jamais pensé quil viendrait le voir. Pas après ce qui sest passé. Depuis quelques temps, ils sévitent. Enfin, cest surtout lui qui évite Ulysse. Car il a cru avoir perdu son amitié. Définitivement, Jérém a perdu pas mal de choses en cette foutue année 2002. Alors, il est content dentendre sa voix, et quil soit venu le voir. Il aimerait tellement que les choses redeviennent comme avant.
"Jarrive.
Tu fais quoi ?
Tu vois, je fume une clope.
Ca fait un bon moment que tu fumes !
Ouais
ouais
Tu as lair à côté de tes pompes, mec.
Tinquiète, tout va bien.
Non, tout ne va pas bien. Je commence à te connaître un peu et je sais quand tu ne vas pas bien.
Occupe-toi de tes fesses, Ulysse, tu veux ?
Allez, Jérém, ne fais pas lidiot. Viens trinquer avec nous.
Ouais, ouais
Tu penses à Nico
Non, pourquoi tu me demandes ça ?
Je ne te le demande pas, je le sais
"
Jérém a envie de lui parler de tant de choses, mais ça ne sort pas. Il a mal et il na envie de rien. Il a juste envie de rentrer chez lui et de dormir et dêtre au lendemain, pour ne plus penser à cette foutue nuit dil y a un an.
"Écoute, Jérém, tu ne crois pas quon devrait arrêter de se faire la gueule ?
Je ne te fais pas la gueule !
Tu ne vas pas me faire croire quil ny a pas un malaise entre nous depuis quelques temps, hein ?
Je voudrais faire comme sil ne sétait rien passé, mais je ny arrive pas.
Mais il ne sest rien passé !
Je tai quand même montré une partie de moi que tu nas pas aimé
Je men fous de ce que tu mas montré, ça ne change rien pour moi.
Mais ça change pour moi.
Foutaises ! Tu veux quon soit à nouveau amis, oui ou non ?
Oui , bien sûr.
Et moi aussi. Tu sais, notre amitié ma manqué.
A moi aussi, tu peux pas savoir !
Je taime beaucoup, Jérémie.
Moi aussi je taime beaucoup.
Je tai trouvé sympa depuis le premier jour. Tu es un bon gars.
Moi aussi je tai trouvé super sympa. Tu es le seul qui soit venu me parler quand jai débarqué à Paris.
Viens-là, mec !"
Ulysse le prend dans ses bras et le serre très fort contre lui. Vraiment, ce gars a le pouvoir de le faire se sentir bien, de le rassurer.
"Je suis désolé pour ce qui sest passé lautre soir.
Ne le sois pas, il ny a pas de mal.
Il y a des choses que je ne peux pas contrôler.
Tu nas rien fait de mal.
Jaurais dû fermer ma gueule.
Non, au contraire. Tas bien fait de ne pas garder ça pour toi. Mais pour moi tout va bien. Tu penses que ça va aller pour toi ?
Oui ça va aller.
Tout va bien alors. Je naimais pas quon se fasse la tête. Il ny a pas de malaise de mon côté, daccord ? Il ny en a jamais eu. Et il ne faut pas quil y en ait de ton côté non plus. Tu nas rien à te reprocher.
Merci Ulysse.
Pourquoi tu es ici ce soir ?
De quoi ?
Pourquoi tu nes pas avec Nico ? Tu en crèves denvie !
Cest fichu entre nous.
Ne dis pas ça. Quoi qui se soit passé entre vous, je suis sûr que tu peux rattr le coup, ce gars taime comme un fou. Appelle-le, va le voir dès demain.
Je lui ai fait trop de mal et je narrête pas de lui en faire.
Tu es bien avec lui ?
Oui, tellement bien.
Et pourquoi tu es bien avec lui ?"
Pourquoi je suis bien avec Nico ? Il y en a tellement, de raisons
Parce que grâce à Nico, je sais enfin qui je suis. Jai arrêté de me dire que je suis hétéro et que je me tapais un « pédé » juste pour le fun. Jai accepté que je suis attiré par les mecs. Et par Nico, en particulier. Aujourdhui, je sais que je suis homo. Et ça fait du bien de savoir qui lon est.
Parce quil a su me montrer quaimer un garçon peut être quelque chose de très beau, et quil ne faut pas avoir honte. Et même si jai encore peur du regard des autres, je nai plus peur de mon propre regard. Aujourdhui, jai fait la paix avec moi-même vis-à-vis de tout ça.
Parce quil ma montré que je peux être aimé, pour qui je suis, et pas juste pour mon physique.
Parce que je sais désormais quil maime pour ce que je suis, avec mes imperfections, mes défauts, mes faiblesses.
Parce que je sais que Nico me comprend, il connait mes failles, et il ne les fait pas peser.
Parce quil supporte mes mauvais côtés, mon mauvais caractère et quil fait ressortir le meilleur de moi.
Parce quil ma donné envie de croire que moi aussi jai droit au bonheur, et de me battre pour lobtenir.
Parce quil ose me tenir tête, et me faire avancer.
Parce que quand je suis avec lui je me sens plus fort et tout me semble plus simple.
Parce que le voir heureux me rend heureux.
Parce que je kiffe le prendre dans mes bras.
Parce que je kiffe quand il me prend dans les siens.
Parce que jaime ce quil a fait de moi.
Parce quil ne ma jamais lâché.
Parce quau fond, je sais quil mattend.
Parce que je ne veux pas le perdre.
Il y a tellement de raisons qui font dire à Jérémie quil est bien avec Nico ! Mais sil doit en retenir une, pour répondre à la question dUlysse :
"Parce que jaimais le gars que jétais quand jétais avec lui.
Rien que ça ?
Quoi, rien que ça ?
Ce que tu viens de dire
De quoi ?
Que tu aimes le gars que tu es quand tu es avec lui. Cest super, cest beau. Et ça montre à quel point ce gars te fait du bien, et à quel point tu es fou de lui. Alors, fonce, mec. Naie pas peur de te faire jeter. Si tu laimes, ne baisse pas les bras. Si tu lui montres que tu laimes, il ne pourra pas résister !
Jai merdé. Comme dhabitude. Jai tout gâché, et pour de bon cette fois-ci.
Je suis sûr quil saura te pardonner.
De toute façon, je ne fais plus partie de sa vie, et je nen ferai plus jamais partie. Javais une place spéciale dans son cur, mais je lai perdue. Et maintenant, cest un autre gars qui a pris cette place. Je ne lui en veux pas, ni à Nico, ni à ce gars. Je pense quil saura rendre Nico plus heureux que je nai jamais su le faire et que je naurais jamais su le faire. Alors, je suis heureux pour lui, je suis heureux de le savoir heureux.
Mais toi, tu es malheureux, Jérém !"
Mercredi 1er janvier 2003, 3h12
Jérém a trop bu ce soir. Et trop fumé. Quand les gars sont partis du Pousse pour aller terminer la nuit dans une autre boîte, il a déclaré forfait. Mais il nest pas rentré chez lui. Il est parti faire un tour dans une boîte gay quil a repérée quelques semaines plus tôt. Il sy est rendu quelques fois, après la rupture. Il sy est rendu pour sétourdir, quand lalcool et le joint ne suffisaient plus. Quand lenvie de baiser le tyrannisait. Quand les regrets le tenaillaient. Quand le bonheur perdu lattrapait par traîtrise. Quand la solitude le prenait à la gorge. Quand la peur de rentrer seul langoissait.
Il sest réveillé quelque fois le matin avec la gueule de bois, un inconnu à ses côtés, et lenvie de gerber, de chialer, de hurler. Les excès de la veille ne pardonnent pas au réveil.
Il na même pas retenu son prénom. Tout ce quil a retenu cest son sourire, sa belle gueule, ses cheveux bruns, son brushing sexy, son t-shirt blanc moulant, son regard qui le dévorait. Il a retenu la promesse du bonheur de la découverte dun corps inconnu, de quelques instants de plaisir et détourdissement. Il est venu pour se sentir désiré, pour laisser un beau gars inconnu essayer de lui remonter le moral.
Ils sont allés chez lui. Il lui a proposé à boire. Mais avant d'avoir fini les verres, le petit brun bien foutu était à genoux devant lui en train de le pomper.
Ses lèvres coulissent le long de sa queue, ses mains empoignent ses fesses et les malaxent, trop fort, trop vite. Ça ne lexcite pas vraiment. Il ôte son t-shirt, att ses mains, les conduit à ses tétons. Le gars les caresse, trop peu, les pince, trop fort. La pression, le mouvement, rien nest comme il aime.
Jérém repense à lamour avec Nico juste après le réveillon de lannée davant. Les lèvres de Nico sur sa queue faisaient des étincelles, lui offraient des frissons de fou. Et ses doigts sur ses tétons, putain ! Même avec une capote, cétait dingue !
Très vite le gars retire ses mains de ses pecs, et revient tripoter ses fesses.
"Tu as un cul denfer !", il lui glisse à un moment, en reprenant sa respiration, avant davaler sa queue à nouveau.
Ses caresses étaient à la fois terriblement sensuelles et incroyablement douces, lamour avec Nico cétait tendre et excitant
Il regarde le gars en train de le sucer. Le gars cherche son regard, Jérém le fuit. Il na pas envie de croiser son regard.
Pendant que Nico le suçait, il avait croisé son regard. Il avait vu son excitation, son envie de le rendre dingue de plaisir, mais comme un gars amoureux.
Le gars le pompe de plus en plus vite, Jérém sent quil ne va pas tarder à jouir. Et il ne veut pas se retenir. Au fond de lui, il a envie den finir au plus vite, et de se tirer. Il sent son orgasme arriver, mais le gars arrête de le sucer juste avant.
"Baise moi, beau mec !"
Jérém avait voulu que Nico lui fasse lamour. Il en avait tellement envie !
Jérém passe une capote, il encule ce gars, il le baise. Le gars gémit de plaisir, il lui dit quil ne sest jamais fait baiser par un mec aussi canon que lui, que sa queue le fait jouir comme aucune autre. Il veut être défoncé comme un malade, il veut quil lui casse le cul. Le gars nest pas déçu. Jérém le pilonne tellement fort quil finit par se déboîter de lui. Le gars veut quil enlève la capote et quil lui gicle dans le cul. Jérém regarde son cul offert, assoiffé. Il hésite. Le gars le chauffe, lui dit quil va jouir deux fois plus sans. Il lui dit que ça ne craint rien, car il sest fait dépister. Jérém est saoul, il vient de se faire un pétard. Il est à deux doigts de jouir, et il très excité.
Mais il refuse. Il lencule encore, il lui tarde de venir
Nico était si tendu, il avait peur que la capote casse.
Jérém nen pouvait plus de cette saleté de capote. Parce quelle le privait dune partie de son plaisir, certes. Mais aussi et surtout parce quelle lui rappelait sans cesse ce qui endurait Nico depuis quelques jours, cet accident de capote avec le gars de Bordeaux, le risque que cela représentait, et la peur. Jérém ne pouvait sempêcher de se sentir dune certaine façon responsable de la mésaventure de Nico. Sil navait pas refusé de le laisser le rejoindre à Paris, sil navait pas recommencé à faire le con avec les nanas, sil ne lui avait pas demandé de faire cette maudite pause, sil avait eu les couilles dassumer leur relation et leur amour, ça ne serait pas arrivé.
Nico était tendu, angoissé. Mais Jérém lui avait fait plein de bisous et il avait fini par se détendre. Il sétait allongé sur son torse, il était venu en lui tout doucement. Il lui avait fait lamour et cétait tellement beau et tellement bon. Nico lui avait donné envie de faire ça, et il lavait rendu beau. Jérém était si heureux de le sentir prendre son pied.
Jérém se souvient de la douceur de sa peau, de ses cheveux, de son regard amoureux.
Et pendant que Nico samusait comme un petit mec, leurs lèvres nétaient jamais rassasiées de bisous, leurs mains de caresses, leur bras détreintes.
Quand Nico était venu, Jérém était fou, fou de ce petit mec qui le rendait si heureux ! Il lavait pris dans ses bras, et il lavait couvert de bisous.
Nico venait de jouir, et lui avait demandé de lui faire lamour à son tour
Lamour avec Nico était un bonheur sans fin. Il aurait voulu que ça dure longtemps ! Car il y avait le plaisir, intense, mais il y avait aussi cette délicieuse confiance et cette merveilleuse complicité de leurs corps et de leurs esprits.
Et il avait fini par jouir en embrassant Nico fébrilement, comme ivre de plaisir, en le serrant très fort contre lui, en plongeant son visage dans le creux de son épaule, et en pensant à tant de fois où il était venu en lui sans capote.
Jérém finit par conclure avec le gars, mais en pensant à tant de fois où il avait giclé dans le beau cul de Nico
et à son regard amoureux
Il se déboîte du gars, il retire ma capote. Il na quune envie, se tirer de là.
Jérém était sorti de Nico, ils sétaient embrassés longuement. Il avait dû se faire violence pour mettre les câlins en pause le temps de retirer la capote. Il navait quune envie, cétait de le serrer très fort dans ses bras et que cette nuit ne se termine jamais.
Merci à Fan B pour la rigueur de son travail. Merci à la team J&N sur Discord pour ses suggestions et pour avoir alimenté le blog pendant 5 mois déjà. Merci à Cyril et à tous les autres tipeurs. Merci à tous les lecteurs, à leur fidélité, à leur soutien et à leur patience.
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